Affaire Lucas : « Les contours de l’infraction de harcèlement doivent être précisés » estime l’avocate de sa maman

Publié le Mardi 7 Novembre 2023

Au lendemain de la relaxe prononcée par la cour d’appel de Nancy des quatre adolescents poursuivis pour le harcèlement, en raison de son homosexualité assumée, de Lucas qui s’était donné la mort en janvier dernier chez lui à Golbey (lire notre article et voir notre reportage de ce lundi), Catherine Faivre, l’avocate spinalienne de la maman de l’adolescent de 13 ans, précise dans le communiqué ci-dessous les raisons pour lesquelles elle estime que « le système judiciaire, aujourd'hui, ne répond pas à la réalité vécue par les victimes de harcèlement scolaire qu'il convient de protéger. Les contours de cette infraction doivent être précisés ». La maman de Lucas et son avocate étudient ainsi la possibilité d'un éventuel pourvoi en cassation.


“Cette décision est évidemment un choc pour la mère de Lucas. Elle démontre que la réponse apportée par le législateur pour protéger les victimes de harcèlement scolaire est inefficace.
Lucas n'a pas assez montré qu'il allait mal. Lucas n'a pas consulté un psychologue ou un médecin assez tôt, avant de se suicider. Comme beaucoup d'adolescents de son âge, il a dissimulé... avant de passer brutalement et soudainement à l'acte, dans un contexte où il est établi qu'il subissait des propos et injures homophobes répétés.

L'analyse purement juridique conduit malheureusement à un constat d'impuissance qui conforte chacun dans ses positions.
Des propos et injures homophobes peuvent, en effet, être prononcés de manière répétée à l'encontre d'un adolescent homosexuel, sans qu'aucune sanction ni limite ne soit posée, que ce soit par l'établissement scolaire (lieu où elles ont été proférées) ou par l'institution judiciaire (saisie à la hâte par le ministère public).
En l'espèce, si la cour d’appel retient bien que la première condition de caractérisation de l'infraction, à savoir des propos ou des comportements répétés à l'égard de Lucas, est remplie, elle considère que la seconde, à savoir que les propos tenus ont eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de vie, se traduisant par une altération de la santé physique ou mentale de Lucas, n'est pas apportée.

Elle retient, s'agissant des propos tenus :
“Si les coprévenus prétendent que les insultes, notamment “sale gay” ou “sale pédé” font partie de leur vocabulaire courant, y compris entre amis, ces propos interpellent quant au niveau de langage utilisé dans une enceinte scolaire et quant à l'absence de bienveillance et de respect dont ils témoignent. Leur caractère provoquant et/ou insultant n'en est pas moins établi au regard du choix des termes (“pédé”) accompagnés d'un adjectif dégradant (“sale”) et puisqu'ils font précisément écho à l'identité sexuelle de Lucas, alors même que ce dernier revendiquait et assumait pleinement son homosexualité.
De même, si les moqueries entre adolescents relatives à leurs vêtements peuvent être répandues et peuvent leur sembler anodines, elles n'en constituent pas moins des propos ou agissements visés par l'article 222-33-2-2.
Au vu de ce qui précède, il est établi qu'a minima, Lucas a été victime de moqueries, d'insultes et de propos provocants, blessants, grossiers et injurieux de la part de l'ensemble des prévenus, tous ces propos ou comportements étant en relation avec son orientation sexuelle.
En outre, les insultes homophobes proférées par l’un des prévenus s'adressaient directement à Lucas, et ce prévenu reconnaissait avoir insulté Lucas ‘‘pour faire rire la galerie’’. Les prévenus n'ont jamais prétendu que les moqueries et insultes avaient été proférées de manière à ce que Lucas ne puisse les entendre”.
La cour d’appel qualifie bien les prétendues simples moqueries de propos entrant dans la qualification de harcèlement.

Mais, elle retient, pour relaxer les quatre prévenus, que :
“Au vu de ce qui précède, la preuve objective d'un lien de causalité entre d'une part les propos litigieux des coprévenus tenus entre le 1er septembre 2022 et début octobre 2022, dont le caractère odieux doit être retenu et entendu, et d'autre part une atteinte effective de la santé psychique ou physique de Lucas n'est pas rapportée, et ce malgré son geste fatal.
En outre, en l'absence d'effet démontré des propos litigieux sur la santé mentale de Lucas, les débats devant la cour d'appel n'ont également pas permis d'établir que les propos litigieux des coprévenus tenus entre le 1er septembre 2022 et début octobre 2022 avaient pour objet de dégrader les conditions de vie de Lucas.”

 

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